L’impact social de la chaîne d’approvisionnement

05 sept. 2025
La technologie offre de nouvelles possibilités d’optimiser la chaîne d’approvisionnement

ANALYSE DÉTAILLÉE
Alicia Martínez de Yuso

Ces dernières années ont été marquées par une série de changements brusques qui ont impacté l’économie mondiale et la société, et l’on s’attend à ce que ces transformations aient des conséquences significatives à l’avenir. La mondialisation, les avancées technologiques et l’évolution de la demande des consommateurs ont influencé les chaînes d’approvisionnement, contraignant les organisations à s’adapter constamment à un environnement commercial de plus en plus volatil, incertain, complexe et ambigu (VUCA).

Pour faire face à ces changements, de nombreux acteurs ont adopté des stratégies limitées à une partie de leur complexité, ce qui a entravé leur capacité à trouver des solutions efficaces aux perturbations de la supply chain. Dans ce contexte, les chaînes d’approvisionnement de demain devront être résilientes, durables et socialement responsables pour maîtriser les potentielles ruptures et tirer parti des opportunités du marché mondial.

Quels enjeux à venir ?

La résilience se définit comme la capacité des organisations à anticiper et à réagir efficacement à des circonstances changeantes, de manière à pouvoir résister à des événements extérieurs ou à s’en remettre rapidement. Dans le cadre de la résilience de la chaîne d’approvisionnement (SCR), il est essentiel d’évaluer certains indicateurs clés de performance, tels que le délai de prise de conscience, le délai d’action, le délai de récupération et le délai de survie.

Les actions entreprises dans différents domaines de la chaîne de valeur d’une entreprise (achats, production, transport et logistique) peuvent influencer sa résilience globale. C’est pourquoi la mise en œuvre d’un ensemble stratégique de mesures tout au long de la chaîne de valeur est déterminante pour atteindre une résilience optimale.

La mise en place intentionnelle d’une stratégie durable permet aux chaînes d’approvisionnement d’intégrer la gestion des risques dans un processus de transformation

La SCR englobe trois dimensions : les capacités proactives, les capacités réactives et la qualité de la conception de la chaîne d’approvisionnement, toutes trois liées aux compétences de perception, d’exploitation et de reconfiguration. Une conception de la chaîne d’approvisionnement de haute qualité peut maintenir des performances optimales en réorganisant les actifs, des stratégies et des opérations en vue de s’adapter au changement. En ce sens, des études récentes révèlent que la qualité de la conception de la supply chain se traduit par un avantage concurrentiel durable, tout en réduisant la vulnérabilité opérationnelle.

La gestion des risques est un processus de transformation de la supply chain

Comment surmonter les obstacles à la résilience ?

Une gestion efficace des risques est indispensable à la résilience de la chaîne d’approvisionnement. La capacité de SCR fait office de médiateur dans la relation entre les risques liés à l’achat, la fabrication et à la livraison, et la solidité globale. Des niveaux de risque élevés sont corrélés à la capacité de résilience, tandis qu’une performance stratégique améliorée renforce considérablement la capacité de résilience. Cette synergie entre la gestion des risques et la résilience assure la solidité des chaînes d’approvisionnement.

Pour parvenir à la résilience de leurs chaînes d’approvisionnement, les organisations sont confrontées à deux grands enjeux :

  • Le premier concerne la conceptualisation de la résilience, dans la mesure où la définition de cette dernière et ses différences avec d’autres concepts connexes manquent de clarté. Les entreprises doivent donc connaître les facteurs qui renforcent ou affaiblissent leur résilience ainsi que leurs effets, afin de pouvoir l’évaluer, la développer et l’améliorer. Une compréhension précise de la résilience et de ses facteurs déterminants est primordiale pour gérer avec succès les perturbations et les incertitudes dans la chaîne d’approvisionnement.
  • Le deuxième consiste à mesurer la résilience avec précision. Malgré les progrès réalisés dans ce domaine, des inquiétudes persistent quant à la validité et à la fiabilité des méthodes de mesure. Il est donc nécessaire de poursuivre les recherches afin de mettre au point des méthodes plus robustes et plus complètes, capables de refléter la nature multidimensionnelle de la résilience organisationnelle. En perfectionnant les techniques de mesure, les entreprises pourront évaluer plus efficacement leurs capacités et identifier les axes d’amélioration pour construire des chaînes d’approvisionnement plus solides.

Les chaînes d’approvisionnement doivent par ailleurs s’efforcer de générer des profits et d’avoir un impact positif sur la planète et sur les personnes. Pour y parvenir, il convient d’introduire une approche collaborative et holistique englobant toutes les parties prenantes, à savoir les gouvernements, les entreprises, la société civile et les consommateurs.

Le développement de véhicules zéro émission et de nouvelles sources d’énergie renouvelable sera également déterminant pour l’évolution du secteur

En appliquant des pratiques innovantes, en tirant parti de la technologie et en s’engageant auprès des parties prenantes, les acteurs de la supply chain peuvent optimiser leur performance en matière de résilience, de durabilité et de responsabilité sociétale. Cela renforcera non seulement leur compétitivité et leur réputation, mais s’alignera aussi sur les priorités à long terme de l’Union européenne en matière de résilience sociale et de durabilité compétitive. Dans ce contexte, le projet ReSChape, financé par l’UE, identifie les principaux défis posés par la chaîne d’approvisionnement et les initiatives destinées à encourager à la fois la durabilité et la résilience.

Les responsables du projet ReSChape ont présenté leurs avancées à l’occasion de l’International Association for Management of Technology (IATMOT) 2025

Repenser la chaîne d’approvisionnement de demain

Pour identifier les obstacles spécifiques à la création de chaînes de valeur résilientes, le projet ReSChape a analysé divers cas d’usage dans différents écosystèmes. Parmi les principaux défis, en particulier dans le domaine de la logistique, figurent la mise en œuvre des technologies, la collaboration effective, l’intégration de mécanismes d’apprentissage et la transformation obtenue.

Dans ce secteur, la digitalisation est à la fois une étape incontournable et un levier de transformation. En ce sens, l'implantation de technologies numériques telles que l’Internet des objets (IoT), l’intelligence artificielle (IA) et la blockchain permet d’améliorer les processus et de gérer les risques, en assurant une visibilité en temps réel, la transparence et l’efficacité de la logistique. Cependant, cette transition soulève également des enjeux liés à la cybersécurité, à la confidentialité des données et à la nécessité de requalifier la main-d’œuvre. L’adoption des technologies digitales, telles que les jumeaux numériques ou les plateformes cloud, ouvre de nouvelles perspectives pour la prise de décision et l’optimisation opérationnelle.

L’évolution du secteur dépendra également du développement de véhicules zéro émission et de nouvelles sources d’énergie renouvelable. L’intégration des services dans les infrastructures et l’optimisation des opérations contribuent au maintien de la compétitivité. En effet, la conduite autonome et les opérations de stockage devraient considérablement améliorer les processus logistiques, facilitant les livraisons personnalisées aussi bien dans les zones urbaines que rurales.

Un autre enjeu de taille est de consolider la collaboration entre les différents acteurs de la chaîne d’approvisionnement, à savoir les fournisseurs, les clients, les concurrents, mais aussi les organisations comme les municipalités, les ONG, les responsables politiques et les entreprises technologiques. La transformation du secteur par le biais de ces actions et technologies encourage des activités de transport plus efficientes, une meilleure traçabilité et un échange d’informations plus efficace.

L’adoption des technologies digitales telles que les jumeaux numériques ou les plateformes cloud ouvre de nouvelles voies à l’optimisation opérationnelle

Les entreprises, quant à elles, devront aussi mener des activités de gestion des connaissances basées sur l’apprentissage par l’expérience. Autrement dit, elles devront générer, transférer et diffuser des informations au-delà des limites de la supply chain.

Enfin, les organisations doivent se concentrer sur les actions ayant un impact à long terme, dépassant les besoins immédiats de stabilisation et progressant vers une résilience durable. Cela implique d’adapter et de transformer les processus de la chaîne d’approvisionnement pour les rendre plus innovants et socialement plus ciblés, contribuant ainsi à la transition vers une nouvelle normalité après les perturbations.

Ces enjeux découlent d’une approche transformatrice qui, au-delà de la simple reprise après les perturbations, cherche à innover et à développer de nouvelles opportunités pour la chaîne d’approvisionnement. Ces obstacles se transforment ainsi en opportunités et en facteurs clés pour assurer la résilience.

En conclusion, le secteur de la logistique doit faire preuve d’innovation, encourager la collaboration et investir dans des solutions durables pour rester compétitif tout en se conformant aux réglementations et politiques toujours plus nombreuses.

Les entreprises devront mener des activités de gestion des connaissances basées sur l’apprentissage par l’expérience

Les actions clés pour une chaîne d’approvisionnement résiliente et durable

Aborder les risques et les défis auxquels font face les entreprises exige une approche holistique englobant des questions d’ordre environnemental, économique et social.

L’analyse d’études de cas dans divers écosystèmes et d’initiatives destinées à encourager des chaînes d’approvisionnement solides et durables a permis d’identifier des actions concernant cinq processus clés : la conception, les achats, la fabrication, la livraison et les retours.

  • Concernant la conception, l’écoconception, la collaboration avec les fournisseurs de matériaux et les technologies telles que la réalité virtuelle, se distinguent par leur recherche d’amélioration de la durabilité environnementale et de l’interaction avec le client.
  • Pour les achats, des stratégies de collaboration pour le développement des fournisseurs et des pratiques telles que les audits et les certifications sont mises en avant.
  • Les processus de fabrication comprennent des actions comme la formation des employés, la mise en place d’un code d’éthique et des investissements dans les communautés locales pour renforcer la durabilité sociale. L’équilibre écologique est abordé par le biais de mesures préventives et de stratégies d’économie d’énergie.
  • La transformation des livraisons englobe la transition vers des énergies alternatives, l’optimisation du transport et l’adoption de technologies de suivi en temps réel.
  • Sur le plan des retours, les actions sont axées sur les pratiques régénératives, le recyclage des déchets et les mesures en faveur de la prolongation de la durée de vie des produits.

La collaboration, l’apprentissage et la technologie sont fondamentaux pour dynamiser les actions visant à mettre en place des chaînes d’approvisionnement plus résilientes et durables.

Vers un avenir collaboratif

La mise en place intentionnelle d’une stratégie durable permet aux chaînes d’approvisionnement d’intégrer la gestion des risques dans un processus de transformation, en développant des stratégies personnalisées pour chaque étape, en fonction d’objectifs et de contextes spécifiques. Le développement durable, vu comme un effort à moyen et long terme, prospère grâce à la collaboration stimulée par des technologies avancées. Celles-ci facilitent des mécanismes d’apprentissage à différents niveaux, du fournisseur au client, en passant par la société dans son ensemble.

Les mécanismes d’apprentissage sont fortement liés à la création, à la gestion et à la diffusion des connaissances. Pour mener des actions transformatrices en matière de développement durable, il est crucial d’impliquer davantage d’acteurs dans la supply chain et de franchir les barrières traditionnelles. Cette approche holistique implique les parties prenantes de l’écosystème au sens large, telles que les municipalités, les ONG, les associations de consommateurs et les citoyens.

En instaurant une culture de collaboration et d’apprentissage continu, les chaînes d’approvisionnement peuvent devenir plus résilientes et durables, profitant ainsi à tous les acteurs impliqués et à la communauté dans son ensemble.

 


 

AUTEURE DE L'ANALYSE :

Alicia Martínez de Yuso, chef de projet au Zaragoza Logistics Center ALICIA MARTÍNEZ DE YUSO
Chef de projet au Zaragoza Logistics Center (ZLC). Forte d’une vaste expérience dans le domaine de l’environnement, elle collabore à des projets innovants en matière d’économie circulaire, de symbiose industrielle, de supply chain, de mobilité urbaine et d’intelligence artificielle, et propose des solutions stratégiques, durables et résilientes.

 


 

Références: