Emballages réutilisables, perception du produit et intentions comportementales

01 oct. 2025
Les emballages jetables sont généralement moins recommandés que les emballages réutilisables

DOSSIER LOGISTIQUE
Lise Magnier et Ignacio Gil-Pérez

Les emballages des biens de grande consommation (FMCG, fast-moving consumer goods) assurent une distribution sécurisée des produits tout en fournissant des informations aux consommateurs. Cependant, leur impact environnemental est considérable. En moyenne, chaque citoyen européen génère environ 174 kg de déchets par an, dont la quasi-totalité provient d’emballages à usage unique. Leur production consomme de grandes quantités de matières premières, et les solutions de recyclage pour certains matériaux demeurent imparfaites. Bien que les taux de recyclage du verre (76 %) et du métal (83 %) soient élevés en Europe, ces processus sont très énergivores et émettent des gaz à effet de serre. Quant aux emballages plastiques, 60 % sont incinérés ou mis en décharge sur le continent.

La philosophie du zéro déchet et l’économie circulaire figurent parmi les stratégies émergentes visant à améliorer la durabilité environnementale des emballages. Contrairement à l’économie linéaire actuelle, l’économie circulaire ralentit, optimise et boucle les cycles des matériaux et de l’énergie par le biais de pratiques telles que l’éco-conception, la maintenance, la réparation, le réemploi et le recyclage. De cette manière, les déchets sont perçus comme une ressource à valeur ajoutée plutôt que comme un problème.

Le réemploi permet de prolonger la durée de vie des emballages et des matériaux déjà en circulation sans nécessiter de nouveau traitement ni de fabrication, générant ainsi moins de déchets que le recyclage. C’est pourquoi la Hiérarchie des déchets de l’Union européenne place cette pratique comme la deuxième meilleure option pour leur réduction. Par ailleurs, la Fondation Ellen MacArthur estime qu’avec une valeur mondiale estimée à 9 milliards de dollars, la réutilisation pourrait représenter une solution pour 20 % des emballages plastiques, ce qui en fait une alternative intéressante pour les entreprises.

La réutilisation est une alternative intéressante pour les entreprises, qui pourrait permettre de valoriser 20 % des emballages plastiques. Sa valeur est estimée à 9 milliards de dollars à l’échelle mondiale

Rechargeables ou consignables ?

On distingue deux catégories d’emballages réutilisables : rechargeables, que le consommateur nettoie et remplit lui-même ; et consignés, qui sont préparés et remplis à plusieurs reprises par les entreprises de la chaîne d’approvisionnement. Ces concepts ne sont pas nouveaux. Par exemple, dans le secteur des boissons non alcoolisées aux États-Unis, 100 % des contenants étaient réutilisables en 1947, contre seulement 1 % en 2000, sous l’influence des canettes métalliques et des bouteilles en plastique PET.

En 1947, 100 % des contenants de sodas aux États-Unis étaient réutilisables

Afin de permettre un usage durable, les emballages réutilisables doivent être robustes, ce qui implique généralement une consommation d’énergie et de matières premières plus importante lors de leur fabrication. Par conséquent, pour qu’un emballage réutilisable soit plus durable que son équivalent à usage unique, il doit être utilisé au-delà de son seuil de rentabilité.

Un emballage réutilisable est plus durable qu’un emballage à usage unique à condition qu’il puisse être utilisé au-delà de son seuil de rentabilité

Cette étude vise à examiner l’influence des emballages réutilisables sur les intentions comportementales (intention de recommandation et d’achat), les attitudes générales et la perception du produit (concernant le produit, la praticité de son emballage, la perception de sa qualité et de son risque de contamination), ainsi que le respect de l’environnement perçu. Il a été suggéré que la prédisposition à recommander peut servir d’indicateur du succès potentiel d’un nouveau produit ou service, étant donné que l’opinion des autres consommateurs est généralement considérée comme plus objective que d’autres sources.

Pour évaluer la perception des consommateurs vis-à-vis des emballages réutilisables par rapport aux emballages à usage unique, nous avons mené trois études portant sur différents types de produits. Les scénarios d’achat décrits ci-dessous reposent sur le cas d’un épicier en ligne proposant des emballages réutilisables en option. Les participants ont été présélectionnés sur la base d’avoir effectué au moins un achat en ligne par mois.

Étude n° 1 : un produit non périssable

lacons à usage unique, réutilisables en plastique et en métal de l’étude 1
Visuels de l’étude n° 1 : usage unique (gauche) ; réutilisable en plastique (centre) ; réutilisable en métal (droite)

Pour cette expérience, nous avons sélectionné un spray nettoyant multi-usage comme produit cible, en raison de son caractère non périssable et donc moins sujet aux problèmes de contamination. Un designer professionnel a créé trois visuels pour accompagner les scénarios lus par les participants. La bouteille à usage unique était en plastique blanc opaque et rigide, tandis que les flacons réutilisables étaient soit du même matériau, soit en métal. L’inclusion de ces deux matériaux a permis de déterminer si la réaction à l’emballage réutilisable était motivée non seulement par son aspect différent, mais aussi par son réemploi potentiel. Afin d’éviter tout parti pris, la marque représentée sur les trois flacons était fictive. L’échantillon était composé de 90 personnes, qui devaient toutes imaginer qu’elles effectuaient leurs courses en ligne dans leur supermarché habituel. Les participants ont ensuite évalué les flacons, via un questionnaire, sur la base d’une échelle de sept points.

Plusieurs comparaisons avec la correction de Bonferroni ont démontré que les personnes interrogées étaient moins enclines à recommander les emballages à usage unique que les emballages réutilisables. L’attitude envers les articles réutilisables était plus favorable, et le type d’emballage utilisé a eu un impact significatif sur la qualité perçue du produit. Enfin, les résultats ont également révélé que le type d’emballage choisi influence de manière notable la perception du respect de l’environnement.

Étude n° 2 : un produit laitier en pot

Pots à usage unique et réutilisable présentés dans l’étude 2
Pot à usage unique (gauche) et pot réutilisable (droite) proposés dans l’étude n° 2

Cette étude a examiné les réactions des consommateurs vis-à-vis d’un produit laitier, plus délicat à conserver et présentant un risque plus élevé de détérioration. Un yaourt grec a été sélectionné, pour lequel un designer a créé deux visuels identiques, à l’exception de l’apparence du matériau de l’emballage. Le premier pot était en plastique et à usage unique ; le second était identique, mais réutilisable et d’aspect métallique. Les mêmes échelles que dans l’étude 1 ont été utilisées, et compte tenu cette fois de l’absence d’emballage plastique réutilisable, l’aspect esthétique des deux emballages a également été mesuré à l’aide d’une échelle de Likert à 7 points.

Une fois encore, les résultats ont révélé que la majorité des 91 participants interrogés étaient plus susceptibles de recommander l’emballage réutilisable. Cependant, lors de l’achat d’un yaourt, les participants n’étaient pas plus enclins à racheter un type d’emballage plutôt qu’un autre. Seules les personnes très soucieuses de l’environnement ont de nouveau privilégié l’emballage à aspect métallique. Les attitudes envers le yaourt en pot réutilisable étaient plus positives, tout comme la qualité et le respect de l’environnement perçus. Contrairement à la première étude, une influence significative du type d’emballage sur le risque de contamination perçu a été observée, le pot réutilisable étant considéré comme potentiellement plus exposé à la contamination que le pot à usage unique. Ces scores sont toutefois restés relativement faibles.

Étude nº 3 : produit laitier en pot recyclé

Pot à usage unique recyclé et pot réutilisable dans l’étude 3
Pot à usage unique en plastique recyclé (gauche) et pot réutilisable (droite) proposés dans l’étude n° 3

Comme dans l’étude précédente, un yaourt grec a de nouveau été choisi pour sa nature sensible, mais un emballage à usage unique fabriqué à partir de matériaux recyclés a été proposé cette fois-ci. Les mêmes visuels que dans l’étude 2 ont été utilisés, à l’exception du logo clairement visible sur l’emballage à usage unique indiquant sa composition en plastique recyclé. 80 personnes ont été interrogées.

Le test T de Student a révélé une forte influence du type d’emballage sur l’intention de recommander le produit. L’emballage réutilisable a été préféré à l’emballage à usage unique en matériaux recyclés, avec des attitudes plus favorables envers le premier. De même, les participants ont perçu la qualité du produit en pot réutilisable comme supérieure, mais cet emballage a été jugé plus susceptible d’être contaminé que le pot recyclé à usage unique. Encore une fois, ces scores étaient cependant faibles. L’emballage réutilisable a de nouveau été considéré comme le plus respectueux de l’environnement.

Retour et transport pratiques

Les résultats des trois expériences concordent : les consommateurs ont, de manière générale, une perception favorable des emballages réutilisables, même pour des produits fragiles. Cette perception est plus prononcée que pour les emballages à usage unique fabriqués à partir de matériaux 100 % recyclés, bien que les consommateurs les considèrent souvent comme plus durables. Ainsi, l’avis des utilisateurs est en phase avec les principes de l’économie circulaire, où la longévité d’usage est davantage valorisée que le recyclage.

Selon la Hiérarchie des déchets de l’UE, l’élimination est la dernière solution
Selon la Hiérarchie des déchets de l’UE, l’élimination est la dernière solution envisagée

Cette étude confirme l’attitude positive envers les emballages réutilisables dans les biens de grande consommation.  Ces résultats sont encourageants pour les designers, les chefs de produit et les responsables logistiques, mais aussi pour les autres acteurs de la chaîne de valeur impliqués dans le développement de solutions d’emballage réutilisables. Les détaillants réputés durables pourraient également renforcer la fidélité de leur marque auprès des consommateurs. Il convient toutefois de souligner que l’acceptation des emballages réutilisables comme alternative aux emballages conventionnels dépend largement des particularités de chaque système de réemploi.

Le réemploi et le retour des emballages devraient être aussi simples que possible pour encourager l’acceptation et le succès des modèles circulaires

Les professionnels devraient concentrer leurs efforts pour rendre le réemploi et le retour des emballages aussi pratiques que possible. Ils pourraient par exemple concevoir des récipients faciles à transporter ou mettre en place un service de collecte agile permettant un retour rapide et évitant tout encombrement dans les foyers. Des facteurs comme les modalités de retour des emballages, leur intégration dans le processus d’achat, la différence de prix par rapport aux solutions conventionnelles et les signes d’usure qu’ils peuvent présenter influencent aussi l’acceptation et le succès de ces modèles circulaires.

 


 

AUTEURS DE LA RECHERCHE :

  • Lise Magnier. Professeure associée en Design pour le changement de comportement durable à l’Université technique de Delft (Pays-Bas).
  • Ignacio Gil-Pérez. Professeur associé à l’École d’ingénierie et d’architecture de l’Université de Saragosse (Espagne).

 


 

Publication originale :

Magnier, L., Gil Pérez, I. Should the milkman return? The effect of a reusable packaging on product perceptions and behavioural intentions. Food Quality and Preference, 112, Elsevier (2023).

© 2023 The Authors. Licensed under CC BY 4.0, Attribution 4.0 International